Badaboum {11 février 2015} Pv : Ili-chou

Cette journée était paisible. Tout comme les précédentes. Peu de choses se passait au palais, encore plus dans mon bureau/laboratoire, situé à l'arrière de l'infirmerie. Des multiples fleurs et feuilles jonchaient dans la pièce. Certaines étaient à tremper dans des bocaux, d'autres séchaient à l'air libre. Plongé dans mes bouquins, j'étais à la recherche d'un remède ou plutôt, trouver un moyen d'essayer de contrecarrer les effets nocifs d'une certaine fleur. J'avais déjà réalisé de multiples échantillons. Il ne me restait qu'à les tester. Problème, je ne pouvais pas les tester sur moi, ce serait contre productif. L'idée de trouver quelques cobayes au sein du palais m'effleura l'esprit. Ha… Après tout cette fleur n'était pas mortelle… Mais quelque chose me disait que ce geste serait terriblement mal interprété. Je ne souhaite pas provoquer des malentendus. Je suis loin d'avoir la patience et la jugeotte nécessaire pour les gérer. Ha que faire…

Mon stylo tapotait nerveusement le papier de mon bloc note quand quelqu'un entra dans l'infirmerie. Une espèce de petite clochette résonnait chaque fois que la porte s'ouvrait. Ha… Voilà encore une contrariété. Je n'avais rien contre le fait de soigner des gens, c'était ce en quoi consistait mon métier après tout, mais j'avais bien d'autres préoccupations pour le moment. Comme trouver mes cobayes par exemple. Machinalement, je replaçais le serre tête orné de fleurs et de longs rubans pâles sur ma tête et pris le masque vénitien, classique mais élégant, qui siégeait juste à côté de moi. Je ne pouvais me parer de mes plus beaux accessoires au travail, ils étaient bien trop encombrants, mais il m'était impensable de ne pas habiller mon visage, ou mes cornes. Ainsi, vêtu de ma blouse blanche, au rebord des manches et du col parée de vert et de divers motifs, je sortis de l'arrière boutique pour recevoir mes cher invité.

«  Que puis-je faire pour vous ?  » demandai-je sur un ton calme et posé. «  Oh, la question ne se pose pas finalement.  » constatai-je en apercevant le couteau planté dans de l'épaule de… Ce… Jeune homme aurais-je supposé au son de sa voix ? Son apparence m'indiquait… Des choses. Oh, qu'importe. Ses bois étaient-ce ceux d'un cerf ? Ou d'un animal similaire. Appelons-le ainsi. Animal similaire. «  Je vous en prie.  » dis-je en désignant une chaise dans un endroit dédié à l'accueil des patients. Il ne semblait pas à l'article de la mort non plus. Inutile de sortir l'artillerie lourde. Je n'étais pas particulièrement pressé par la situation. D'ailleurs je partis chercher de quoi lui retirer cette vilaine chose de son épaule, ainsi que de quoi suturer si nécessaire, du désinfectant et un grand pansement. Ensuite la régénération fera la reste. Avait-il seulement besoin de venir me voir ? Je me le demande. Qu'importe, j'avais donné le meilleur de moi-même en matière de communication.

Fin prêt, je revins d'une démarche souple et délicate, comme si je craignais d'abimer le sol à chacun de mes pas. Me positionnant face à cet animal similaire, je m'apprêtais à lui retirer ce couteau.

«  Ca va piquer un peu.  »

Inutile de retirer le haut, de toute façon il était foutu.

Ha, malgré mon attitude décontractée, je n'étais vraiment pas d'humeur à faire dans la dentelle. Ni à me forcer à être aimable. J'en oubliais presque mes gestes professionnels. J'avais vaguement écouté l'animal similaire complimenter l'allure de cette pièce ainsi que… Mon allure. Je relevais à peine. Mais il est vrai que cette pièce était à mon image. Très décorée de fleurs, de plantes qui grimpaient le long des fenêtres, de couleurs pastels, une senteur rappelant celle du jasmin… Je suppose que je me plaisais dans cet endroit. Raison pour laquelle je n'en sortais presque jamais. Si c'n'est pour aller m'occuper des jardins.

«  Mh..  » répondis-je simplement… Je n'étais pas particulièrement sensible aux compliments. Comme pour tout à-vrai-dire et je n'avais pas particulièrement envie de faire l'effort de répondre. Ni même de renvoyer un compliment bancal par simple politesse.

Lorsque je voulus me mettre au travail, l'animal similaire protesta. Il voulait que je lui découpe son haut. Ha. Gestes professionnels. Gestes professionnels. Je réprimais un soupir et répondis quelque peu agacé : «  Du sang ou en lambeaux c'est vous qui voyez. » je ne prêtais pas attention au clin d'œil. Je ne me sentais pas spécialement offusqué. Ni même concerné en fait.

Ainsi je m'armai de ciseaux et entrepris de découper le tissu. Pour être honnête, c'est la première chose que j'aurais du faire. Je n'avais juste pas eu envie. Je devais me reprendre. Ainsi, son épaule droite dénudée du même que le haut de son torse, j'entrepris de détailler la blessure, passant mes doigts de fée protégés de gants immaculés tout autour. Bien. C'était pas très esthétique, mais pas bien grave non plus. J'appliquais une pression tout autour de la plaie d'une main et de l'autre je saisis le manche du couteau «  Serrez les dents. » Puis je le retirai d'un coup sec, prenant soin d'appliquer une pression immédiate sur la plaie pour éviter les pertes de sang conséquentes. Déposant l'arme du crime sur une plaque en métal, j'usais ensuite de compresses  jusqu'à ce que les saignements se calment. Je ne cherchais pas à comprendre ce qu'il s'était passé, mon esprit songeant simplement à la nouvelle mixture à base de végétaux que je venais d'établir et qui aidait à la cicatrisation. Je vais la chercher tien. Maintenant.

«  Je viens de songer à quelque chose. Tenez ça fermement. » dis-je en prenant la main de côté valide de l'animal similaire pour la poser sur la compresse qui se teintait de rouge. Illico, j'étais déjà arrivé devant mon armoire à pharmacie, avec un peu plus d'entrain que précédemment. Je revins ensuite avec mon petit bocal contenant une mixture verte étrange que je posais sur la table.

« Pour favoriser la régénération. » dis-je simplement en reprenant cette compresse dans les mains. Quand le sang s'arrêta de couler, j'entrepris de désinfecter la plaie.

Il y avait clairement plus sympathique comme médecin, mais je n'étais pas particulièrement là pour me faire des copains.

Note que j'écrirais dans mon livre : les lambeaux sont plus rattrapables que le sang. Je n'avais pas renchérit sur le sujet, mais dieu sait pourquoi - ha ces habitudes langagières humaines… - mon cerveau sélectionnait de temps à autre une information sans intérêt et la retenait particulièrement bien. Voilà celle du jour.  

Bref, j'arrivais tout doucement à la fin de la procédure concernant cette épaule. Je m'attelais maintenant à la désinfecter avec du coton, tout en veillant qu'aucun éclat quelconque ne se soit infiltré dans la plaie. La recoudre n'était pas nécessaire. La pommade de ma préparation était assez dense pour bien recouvrir la plaie dans son entièreté.

«  Mh ? » je relevais la tête à sa question. Ha sa joue. Malheureusement il n'y a que très peu de remède miracle pour le visage. «  Je regarde ça après. » une chose à la fois.

La blessure désinfectée j'entrepris d'appliquer la pommade délicatement, jusqu'à ce que le rouge de la plaie ne soit plus visible. C'est à ce moment-là que l'animal similaire me demanda mon prénom. «  Iliyan. » répondis-je en un automatisme. Pas de " tu peux m'appeler Ili " ou de " et toi ? " je ne tenais pas vraiment à faire connaissance.

Bien, deux à trois minutes plus tard la pose du pansement était terminée. «  Bien. Le pansement est à refaire tous les jours jusqu'à ce la plaie ait désenflée. Ensuite la pommade suffira. C'est une petite plaie, elle guérira rapidement. » Dans la foulée je préparais le petit pot de pommade que j'allais lui donner. Sans m'en rendre compte je venais de l'inviter à revenir, puisse t-il tout de même se débrouiller tout seul.

Après avoir enlevé et jeté les gants souillés, mon attention se reporta sur son visage.

«  Bien, voyons ça... » mes doigts se portèrent délicatement à son visage et effleurèrent à peine sa peau. Plus dans un soucis de ne pas le toucher que de ne pas lui faire mal. Je n'avais plus mes gants. «  Il n'y a pas grand chose à faire mis à part prendre son mal en patience. Cet hématome guérira rapidement de lui-même, cependant... » Nan sans me laver les mains au passage même si je l'avais à peine effleuré, je partis une fois de plus vers mon armoire à pharmacie. «  Je peux vous donner une crème réfrigérante qui devrait aider à faire passer la douleur. »

Je présentais le produit sous les yeux de l'animal similaire. «  Vous en voulez tout de suite ? »

Qu'on en finisse.

Contrairement à moi, l'animal similaire semblait bien enjoué à faire la conversation. D'ailleurs il s'était présenté comme un siga. Un cerf donc, j'avais visé juste. En réponse à cette affirmation, je scrutais ses bois pendant de rapides secondes. Mh. Je n'avais plus aucun prétexte pour ne pas l'appeler par ce qu'il était. Dommage, " l'animal similaire " gardait une distance confortable entre nous…

S'en suivirent deux autres questions alors que je m'attelais à réparer cette épaule abimée. Mon œil expert fixait avec attention l'effet de la pommade sur sa peau… Sa densité permettait à la plaie de ne pas se rouvrir et la protégeait ainsi des attaques extérieures… Sans attirail médical sur soi, elle agissait comme une très bonne protection à elle toute seule contre les bactéries du monde extérieur. Un bon premier substitut au pansement, quand on en a pas sur soi… Mais si on a pas de pansement, pourquoi aurait-on un bocal à pommade ?... Ha, je crois que je devrais revoir ses avantages…

Ha oui, les questions.

« Phylisiaris et Non. »

Je ne m'attardais pas spécialement sur son nom. Toutefois, je l'avais retenu. Pour ne pas créer de malentendus et perdre du temps inutilement, il est important de connaître le statut social de chacun. J'aime suivre le protocole à la lettre. Il permet de ne pas créer d'histoire, c'est la première chose que j'ai apprise. Ce siga était-il un soldat ? Je devrais lui demander.

« Quel est votre rôle en ces lieux ? »

Ne vous y méprenez pas, je cherchais nullement à sympathiser. Seulement à suivre le protocole.

Puis, alors que j'en avais terminé avec son épaule, le siga m'annonça qu'il reviendrait ici pour changer son pansement. Il y a une autre chose que j'ai apprise : quand je ne suis pas certain de l'impact qu'auront mes paroles sur mon interlocuteur, je me tais. Ainsi, j'esquissais un léger signe de tête d'approbation tandis que je cherchais la crème réfrigérante, plutôt que de laisser échapper un " j'osais espérer que vous répondriez non " dubitatif. Cette logique peut vous paraître simple, pour moi elle ne l'est pas.

« Bien, ne bougez pas. » dis-je en prenant un filet de crème sur le bout des doigts. Je ne voulais pas en mettre trop d'un coup. D'une main, j'appuyais légèrement sur le front de l'animal pour qu'il incline sa tête comme je le voulais, de l'autre j'appliquais la crème délicatement en formant des cercles avec mon index et mon majeur. La première couche imprégnée, j'en ajoutais une deuxième que je laissais plus en surface, comme un film protecteur.

« Voilà qui est fait. Je vous mets cette crème avec la pommade cicatrisante… A moins que vous ne vouliez seulement la réfrigérante puisque vous comptez revenir ici ? »

A mon grand désespoir.

Garde ? Très bien ! Mes idées et la ligne de conduite à aborder étaient déjà plus caires. Quoique, du peu que je connaissais de ce siga, il ne me semblait pas très porté sur la justesse des bonnes manières… Quant à la précision de sa fonction sur terre, je laissais échapper une sorte de " Ha " interrogatif un peu forcé. Même si je ne souhaitais pas en savoir plus, je sentais que ce simple son lui suffirait pour rebondir. La logique voudrait ensuite que je parle de moi. Mais je me vois mal subitement annoncer que je suis médecin royal. Heureusement que je le suis. Et nous sommes au palais royal. Devrais-je à mon tour préciser mes centres d'intérêts ? Je n'en vois pas l'utilité. D'autant plus que nous sommes entourés de fleurs.

C'est donc sur cette note que je terminais mes derniers soins. Le siga s'était parfaitement bien comporté et n'avait pas bougé d'un poil. Au moins il ne me compliquait pas la tâche, je pouvais lui accorder ça.

« Très bien, je garde celle-ci. » dis-je en montrant le bocal de mixture verte. Elle n'était franchement pas ragoutante, mais terriblement efficace. « Quand à la réfrigérante… Et bien vous pouvez l'appliquer toutes les 4/5h, mais aussi dès que vous avez mal. Elle est inoffensif et n'irritera pas la peau. Je vous conseille de l'avoir toujours sur vous jusqu'à guérison. » Ajoutai-je en la lui mettant directement dans les mains. « Ne l'oubliez pas. C'est ennuyeux. » Vraiment, ça a le don de m'agacer.

Vint ensuite une question que l'on me pose régulièrement. La curiosité, quand elle n'est pas portée vers la médecine ou les plantes est une chose que je ne comprend pas. Je ne répondis pas tout de suite, prenant le temps d'essuyer les résidus de crème que j'avais sur les mains. Un refus d'explication attiserait encore plus de curiosité, mais je ne souhaitais pas m'exposer non plus… Que faire ?

« Pour des raisons personnelles. Et… Je suppose que si je les porte souvent… C'est que je dois bien les aimer. Et que je n'aime pas être sans… ? »

C'est une conclusion que tout monde le tirerait. Quoique pour moi elle sonnait étrangement. Malgré tout, je refusais d'énoncer les véritables explications bien plus profondes et je dois avouer que mes masques avaient un certain charme esthétique. On se contentera donc de cette réponse un peu niaise.

J'espérais sincèrement que cette intention de démonstration n'était qu'une parole en l'air. J'ai toujours eu horreur de feindre de l'intérêt pour un sujet dont je me fiche éperdument. D'ailleurs je ne l'ai jamais fait, en tant qu'humain. En tant que démon, je faisais tout mon possible pour simuler un côté plus… " Humain ", c'est ironique à dire. Il n'empêche que je détestais devoir me forcer à être autre chose. Mais au final, ce n'était peut-être pas cher payé pour ne pas être vu. Ni remarqué. Comme quelqu'un d'étrange, de faible, ou de seul.

Je préférais donc ne pas relever. Cette entrevue avait bien assez duré et je me sentais déjà épuisé. Non sans surprise, le siga ne fut pas satisfait de ma réponse. Je dois avouer que moi non plus je n'étais pas bien convaincu. Sans m'en rendre compte, je pris une posture de réflexion : les bras croisés sur le torse, dont un avant-bras relevé pour permettre à une de mes mains d'attraper mon menton. Quelle autre forme de raisonnement aurais-je du aborder ? Ou peut-être ai-je trop réfléchi justement ? Les réponses les plus bêtes sont parfois les meilleures… Mais je n'aimais pas mentir non plus. Même sur de si petites choses… Bien. Je pense apprendre un répertoire de réponses bateaux que je réciterais simplement en ce genre d'occasion… Mais dans ce cas ne paraitraient-elles pas trop automatiques ? Mhh… Je hais la vie sociale.

Le temps de ma réflexion, le siga était déjà sur le pas de la porte. Ne m'avait-il pas envoyé un baiser ? Qu'importe. Je lui répondis en m'inclinant formellement.

Les protocoles me rassurent. Je les aime beaucoup.