Tea Party - 8 juin - Iliyan Silvester

Wild World

C'est à peine si je me souviens comment je suis arrivé en ces lieux. Le bruit de la clochette signifiant mon entrée, une voix masculine polie mais froide, tout comme la mienne - bien que plus assurée - me demandant ce que je désirais… Tout me semblait si lointain. Quelques secondes filèrent.

Je m'aperçus que je fixais le sol lorsque je dus relever mon regard pour rencontrer le sien, de l'autre côté du comptoir. Comment diable étais-je arrivé ici ? Je le regardais, sans mot dire, un voile comme posé sur mes yeux. J'étais désorienté. Déconnecté. Et je me contentais de fixer cet inconnu sans savoir ni quoi dire, ni quoi faire. J'étais submergé. Au bord de la crise de nerfs. Je ne maîtrisais plus grand chose de moi-même, qu'il s'agisse de ma parole, de mes gestes, de mon aura chevrotante… Rien. J'étais engloutis par tout le bruit et l'agitation venant de l'extérieur et je le fixais. Presque désespéré.

Comment étais-je arrivé ici ?

Sans réfléchir je m'engouffrai dans l'une des rangées de livres. Pour me cacher. J'avais toujours résolu mes problèmes de cette façon. Inerte. Inexistant aux yeux du monde. Et comme je l'avais toujours fait, je me recroquevillais dans le coin le plus à l'écart. Tout me semblait si lumineux, si bruyant, si agressif. Peut-être était-ce la raison pour laquelle je m'étais précipité dans cette boutique qui semblait si calme ? Mes mains tremblaient. Mon corps était pris de soubresauts… Et j'attendais. En espérant que la crise passe.

Je n'aurais jamais du revenir dans ce monde. Il n'a toujours fait qu'une bouchée de moi. Je ne savais pas ce qui m'avait pris à céder à la demande d'Elra. Je l'avais perdu et me voilà réduit à l'état de petite chose tremblotante bien trop fragile pour survivre à ce monde impitoyable.  

Wild World

Je me sentais si stupide… Pour tellement de raisons. J'étais traumatisé par ce monde, cela ne faisait aucun doute. Pourtant j'étais revenu. Pour quoi ? Pour essayer de mieux conceptualiser cette notion que l'on appelle amitié. Je m'étais renseigné. J'avais pris des notes. Et j'avais cru comprendre qu'il était important de s'intéresser à ce que font ses " amis ". Alors oui, j'étais venu, mais j'avais sous-estimé ce que provoquerait ce retour et qui plus est… J'avais perdu Elra. Je suis si stupide ! Et incapable de me contrôler.

Recroquevillé dans mon coin, les mains sur ma tête, tirant nerveusement sur l'une de mes mèches de cheveux à l'arrière, je ne remarquais pas l'homme qui s'était approché dans mon dos. Il me toucha l'épaule. Je me figeai instantanément. En temps normal, j'avais déjà beaucoup de mal avec les contacts, mais en temps de crise ils m'étaient insupportables… A moins qu'il s'agisse d'une étreinte forte et prolongée pour pousser mon système nerveux autonome à se calmer. Mais je me voyais mal le demander à cet inconnu. Inconnu qui m'adressa la parole et qui sembla m'indiquer quelque chose… Mais je ne pus le percevoir. Pourquoi levait-il la main ainsi ? Mes capacités de déduction, que j'avais pourtant tenté d'entraîner, s'étaient totalement envolées à la vue des circonstances. Et puis il repartit… Alors que je n'avais toujours pas bougé d'un millimètre.

Puis je le vis revenir un plateau à la main et s'asseoir un peu à l'écart… Que devais-je faire ? Secoue-toi Ili ! Je ne parvins pas à le rejoindre dans l'immédiat… Devais-je seulement le faire ? Etais-je seulement capable de bouger ? Le calme de ce petit café semblait doucement agir sur moi… Mais j'étais encore loin de me sentir en possession de mes moyens… Ce n'est que lors que d'une petite phrase que je tiquai.

« Tenez, c’est une infusion. Ça devrait vous calmer. »

Au bout de quelques secondes, je relevai un peu la tête, tirant légèrement sur l'une des mèches de cheveux devant mon visage. Ce que je pouvais regretter de ne pas avoir de masque… Puis d'une voix toute penaude :

« Certaines plantes ont en effet ces propriétés. »

Je me relevai enfin, un peu maladroitement, pour me diriger vers le pouf. Une tasse m'y attendait. J'observais un peu le plateau, puis la place, puis la plateau… Puis me décidai enfin à m'asseoir… Contrairement à l'inconnu, je n'étais nullement capable de soutenir son regard… Tout comme je ne pouvais déceler ce qu'il attendait de moi alors… Je le questionnai simplement sur ce qu'il me préoccupait le plus à cet instant.

« Je ne connais pas les plantes d'ici. De quoi s'agit-il ? Quelles sont ses propriétés exactes ? »