Envie de compagnie ? {13 juillet 2015} PV : James

Il faisait bien chaud en cette fin d’après-midi. L’ancien Roi des Enfers s’ennuyait fermement chez lui. Alyrin était parti travailler à l’ISMADD, Bresaios était là mais… N’était pas vraiment quelqu’un de très amusant et même s’il l’aimait beaucoup, il avait envie de sortir de chez lui et de faire un tour, de rencontrer des gens, d’aller comme à l’époque dans des bars tranquilles. C’est précautionneusement qu’il attrapa l’ordinateur portable offert par l’ISMADD -il avait toujours peur de le casser, il était si fin-, qu’il alluma doucement et fit une recherche sur internet pour savoir où il pouvait trouver un petit bar sympathique, avec un peu de musique, mais pas non plus trop bruyant, pas trop chic ni dans un quartier qui craignait… Une fois trouvé il utilisa l’ancienne méthode et fit un plan sur une feuille.

Avant de partir il s’habilla d’un haut gris foncé et un peu moulant, avec un col un peu remonté mais sans manche, d’un pantalon noir et des bottines de la même couleur que sa chemise. Certes, il faisait chaud néanmoins même si le mercure indiquait presque trente cinq degrés, il n’aurait pas trop chaud. A sa parure il ajouta un simple collier argenté ainsi que des boucles d’oreille, deux longues lunes argentées avec quelques petites pierres orangées. Il savait que les humains ne portaient pas souvent de boucles d’oreille mais peu lui importait, il avait son propre style.

Avant de sortir, il avait simplement prévenu Bresaios. Ce dernier s’était assuré que Satan avait bien son téléphone portable et son porte feuille -sait-on jamais- avant de le laisser partir, pouvant lui aussi, laisser libre court à ses passe-temps. Suivant son plan et commençant un peu à connaître la ville, Satan se dirigeait donc vers le petit bar loundge. C’était la première fois depuis longtemps qu’il se rendait dans un bar seul et cela l’inquiétait un peu. Il n’avait personne à côté pour lui filer un coup de main s’il faisait une erreur de traduction ou de culture… Mais il devait se reprendre en main ! Ce n’était pas son genre de s’inquiéter ainsi pour si peu.

Il poussa donc la porte du bar. L’ambiance un peu tamisée et la musique lui convenaient d’entrée. Un peu rassuré il se dirigea d’abord vers le bar. Il faisait toujours un peu impression lorsqu’il entrait quelque part, cela ne changea pas spécialement, quelques têtes s’étaient levées, curieuses ou simple habitude lorsque quelqu’un entrait, peu lui importait, il essayait de ne pas y faire attention et commanda un cocktail avec un peu d’alcool. De toute façon l’alcool humain n’avait pas la même influence sur les démons alors il était sûr de ne pas perdre la tête.

Se disant qu’il n’allait pas rester là à boire tout seul, il se tourna et observa les gens. La majorité était en groupe, quelques uns dansaient sur la petite piste et une jeune femme, une rouquine était seule à sa table. Quitte à choisir, il préférait d’abord tenter avec quelqu’un de seul qu’un groupe. Il s’avança donc.

« Bonjour. Vous préférez être seule ou je peux vous proposer ma compagnie ? »

Ce n’était pas le genre à imposer sa présence, alors il allait demander. Il pouvait toujours se prendre un vent. Cela ne serait pas bien grave.

Contrairement à d’autres, la rouquine n’avait pas eu l’air de le remarquer, ce qui n’était pas un mal, bien au contraire. Il préférait discuter avec les gens qui ne lui porteraient pas attention de prime abord. Quittant son téléphone – manie de ce siècle, apparemment-, elle lui indiqua qu’il n’était pas obligé de lui demander la permission de s’asseoir, bien qu’il en pensait le contraire, c’était la moindre des choses, car en effet elle ne cherchait pas forcément de la compagnie. Satan se posa donc en face d’elle, son verre à la main, à une distance raisonnable, ni trop proche ni trop éloigné.

« Merci. C’est bien gentil à vous. »

Satan s’interrogeait sur la raison pour laquelle elle lui disait qu’il était certainement la compagnie la plus agréable mais était-ce juste du flirt ? Il n’en avait aucune idée. Quoi qu’il en soit, il avait une compagnie pour la soirée.

Lui qui craignait d’être un peu trop direct pour ne pas être impoli – et parce que ce n’était pas non plus son genre, du moins, pas dans ce genre de situation, la jeune femme lui demanda directement son nom, non sans un compliment. Comme quoi prendre des pincettes n’était pas toujours la bonne solution.

« Lawrence. Je m’appelle Lawrence. Et vous ? Quel est votre nom ? »

Satan avait un petit accent pas forcément déplaisant à entendre, qu’on pouvait aisément confondre avec une origine britannique. Ce qui arrangeait bien quelques histoires mais n’expliquait pas forcément ses lacunes en… technologies…

« Néanmoins vous n’étiez pas obligée d’accepter ma compagnie. Si vous désirez être seule je peux tout à fait vous laisser. »

Satan n’était pas le genre d’homme à lui sortir le couplet du comment une jolie fille vous comme peut être seule ? à vrai dire cela ne lui passait même pas par la tête. Après tout elle avait bien le droit de vouloir être tranquille, et avant de l’embêter il voulait s’assurer que sa présence ne la dérangeait pas.

Ce n’était pas vraiment un manque de confiance en lui, même si le damoiseau pouvait en effet craindre de ne pas réussir à se faire à l’ambiance de ce siècle et à dire des choses qu’il n’était pas supposé dire. Voyez-vous, son Altesse avait surtout l’habitude qu’on lui cède tout à cause de son rang, et ce, même à l’ISMADD, et malgré les avantages, il craignait que les gens ne soient pas sincères avec lui. Même si cette jeune femme n’avait certainement aucune idée de son identité réelle, Satan ne pouvait empêcher cette habitude, bonne ou mauvaise, de refaire surface, d’être certain de la sincérité de la personne. Bien que, avouons-le, c’était bien souvent son physique avantageux plus que son rang social qui, chez les humains, surtout, les humaines, les faisait accepter certaines propositions – toutes très décentes, bien évidemment.

Alors qu’elle avait souris et un peu ris, Satan ne s’était pas sentit mal à l’aise. Ce n’était pas le genre d’homme à être dans l’embarra pour si peu, enfin, pour rien. Elle lui avait assuré, et il la croyait, que sa proposition n’était pas du tout dérangeante. Soit, c’était une bonne nouvelle.

« Ne vous en faites pas, je ne me suis pas senti moqué. Et je suis ravi que vous ne vous soyez pas enfuis dans ce cas. »

Mais il l’aurait laissée. Car en effet, notre démon n’était pas un dragueur à deux sous bourré. Il n’avait d’ailleurs ni réellement l’intention de dragué, ni celle de finir enivré par les effluves de l’alcool.

Alors qu’il lui avait posé la question sur son identité, la jeune femme n’avait pas répondu. Elle ne tarda cependant pas à corriger le tir. Elle s’appelait donc James. Curieux prénom pour une femme, du moins, de ce qu’il en savait chez les humains. Enfin, d’un point de vue humain, Satan devait être aussi un prénom très….. curieux. Elle ne perdit pas de temps et l’interrogea sur le fait qu’elle ne l’avait pas encore vu ici. Observatrice ?

« En effet, c’est la première fois que je viens ici. Je suis arrivé récemment d’Angleterre, de Londres, alors les rues de Las Vegas me sont encore majoritairement inconnues. Je cherchais en effet un lieu tranquille mais pas dépourvu de charme, et je pense avoir trouvé le bon. » On aurait pu croire à de la drague mais en réalité le double sens n’était pas voulu de prime abord. « Et vous, vous avez l’habitude de fréquenter cet endroit ? Vous habitez dans le quartier ? »

De façon tout à fait naturelle la question était venue sur le lieu de vie de la jeune femme, sans volonté d’être indiscret, il se demandait juste si elle venait ici pour l’ambiance et se déplaçait de loin, ou bien si elle habitait juste à côté.

D’un désir presque naïf, Satan voulait connaître les humains, leur personnalité, leurs habitudes, ce qu’ils faisaient. Il voulait renouer avec le monde humain et non uniquement avec l’ISMADD et même si cette discussion ne venait que de commencer il était ravi de voir que tous n’étaient pas méfiant et qu’il était facilement accepté à la table de cette femme qui, si elle appréciait sa beauté restait tout à fait capable de tenir une conversation, contrairement à d’autres personnes. Et ce n’était malheureusement pas un manque d’humilité, son ex-Altesse avait bien du mal à discuter réellement et sincèrement avec les humaines sans qu’il n’y ait des intentions derrière.

Alors qu’elle lui exprimait que le propriétaire était à cheval sur la bienséance, Satan dû faire un effort mental pour se demander pourquoi avant de se rappeler le nombre de comportements irrespectueux qu’il avait pu voir dans les rues de la ville des jeux. L’ambiance n’était pas similaire à celle de la rue. En revanche, il y avait un mot dans son discours qu’il ne comprit pas « discothèque » bien qu’il pouvait comprendre le sens de la phrase. Il y avait encore tout un langage qui lui était inconnu et sa curiosité naturelle le poussait à repousser les limites de sa connaissance.

« Eh bien cela est une bonne chose, je ne comptais pas avoir ce genre d’attitude. »

S’il ne comprenait pas le mot, les fêtes qui dégénéraient un peu, il en avait déjà vu. Il nota dans un coin de sa tête qu’il pourrait peut-être la rencontrer plusieurs fois s’il continuait de venir à cet endroit.

« Oh, je vois, et quel métier exercez-vous ? »

La question avait été naturelle même si lui ne pouvait répondre à ce genre. Enfin, qu’il soit démon ou prétende être humain, Satan Ma’Nyuom n’avait présentement aucun travail. La concernant, il se demandait bien ce qu’elle pouvait faire de sa vie. Il n’avait pas beaucoup de connaissance des métiers actuels alors il évitait de faire des suppositions mentales.

Comme lui, la jeune rouquine ne venait pas du Nevada. Même s’il venait de bien plus loin que la ville de Londres… Et heureusement qu’il y avait déjà passé plusieurs moments pour pouvoir en parler. Le temps était bien plus humide et pluvieux qu’à Vegas.

« Il est vrai qu’il ne pleut pas autant qu’à Londres mais je ne me sens pas particulièrement dérangé par le climat. Comment est-ce à Seattle ? »

Avant d’oublier, le faux londonien devait sortir son carnet. Chaque jour Alyrin venait le voir et l’aidait à comprendre les mots ou les expressions qu’il n’avait pas compris. A l’intérieur se trouvait tous les mots qu’il avait déjà demandé à Alyrin. Lorsqu’il le sortit de sa poche, quelqu’un le bouscula maladroitement, en lâchant un « oups, désolé » et il en lâcha le carnet qui glissa jusqu’aux pieds de la demoiselle. Le carnet s’était ouvert sur une liste de mots…. Selfie - Emoji – Tractopelle - UFO - Pignouf - Alien - Hamburger . Haaa.

Voilà bien une chose que Satan ne connaissait pas, ni le chaud, ni le froid, ces sensations face au temps n’appartenaient pas aux élémentaires, enfin, du moins à ceux qui en maîtrisaient les éléments qui pouvaient se vêtir relativement comme ils le désiraient qu’il pleuve ou qu’il fasse grand soleil. Ce n’était cependant que le cas d’une poignée de démons – et d’anges- car le feu, l’eau ou la glace étaient rarement maîtrisés ensemble. Il tentait cependant de s’harmoniser avec les températures… Histoire de ne pas paraître trop étrange pour les humains.

Il était donc bien incapable de parler de ce qu’il ressentait niveau température plus longtemps. Heureusement, son carnet avait fini par tomber par terre… Heureusement. Enfin, c’est ce qu’il pensa au début mais lorsqu’elle ramassa le carnet le regard de la rouquine ne put s’empêcher de descendre sur les mots et… Ha…. Oui il y avait une belle liste de mots. Elle en nomma un – il n’était pas du tout sûr de sa traduction et ne comprit donc pas la raison de son rire. Heureusement qu’il avait à cœur de s’immerger dans la langue anglaise et qu’il n’écrivait donc pas les définitions en démonique.

Lorsqu’elle le questionna sur ses difficultés avec l’anglais américain le démon ne sut quoi répondre. C’était illogique, les deux anglais étaient quasiment la même langue, à quelques nuances… Et les mots qu’il avait notés n’en faisaient certainement pas parti. Il reprit son carnet lorsqu’elle le posa sur sa table et y écrivit le fameux mot « discothèque » qui lui avait valut de le sortir. Heureusement elle n’était pas réellement en train de se moquer de lui, il l’avait bien compris, et lui proposa même de l’aider.

Elle continua la conversation de manière naturelle en expliquant qu’elle était policière. Eh bien, s’il pensait tomber sur un agent des forces de l’ordre alors qu’il avait quitté les locaux de l’ISMADD. Mais elle n’était certainement pas un de leurs agents, sinon, elle ne se serait certainement jamais présentée comme faisant partie de la police. Satan ne put s’empêcher d’avoir quelques sourires amusés lorsqu’elle proposa différents métiers. C’était donc ce qu’il lui inspirait ? Poète avait un côté un peu mystérieux…. Ambassadeur ? Eh bien, ce n’était peut-être pas si faux. Comptable ? Aucune idée de ce que cela pouvait être. Il le nota donc dans son carnet.

« Je suis ravi d’être avec une si charmante membre des forces de l’ordre. » Qui venait de lui poser une question qui pourrait expliquer tous les mystères qui planaient actuellement autour de lui. « Aucun de ces métiers je ne le crains. Même si je ne sais pas ce que « comptable » signifie. Je suis actuellement en convalescence. Voyez-vous, si j’ai un peu de mal avec certains mots c’est que je suis récemment sorti d’un coma de plusieurs années après avoir été agressé. » Lorsqu’il avait parlé avec le service informatique de l’ISMADD, Satan avait préféré se créer une identité qui reflétait ses difficultés, alors tout était virtuellement vrai et des articles avaient même été créés pour renforcer son histoire. « Alors il y a des mots et des expressions que j’ignore ou dont j'ai oublié la signification, des objets dont j’ai beaucoup de mal à me servir et des habitudes que je n’ai pas. »

Malgré la situation le regard de Lawrence n’avait pas faibli, il ne l’avait pas non plus détourné. Il s’en fichait bien de le dire, même si le fond était réel.

Ayant compris la définition que venait de lui exposer la rouquine, Satan la nota consciencieusement dans son carnet. Il savait bien que son histoire allait jeter un froid et c’était pour ça qu’il ne préférait pas s’en embarrasser. C’était pour lui un détail dans la discussion, qui avait certes réellement influencé sa vie actuelle, mais c’était surtout une façon de justifier sa maladresse aux humains. Humains qui se sentaient obligés de s’excuser ou de dire qu’il pouvait en parler s’il le désirait. Enfin, c’était bien les seuls, car les démons, ses sujets, n’osaient pas. Pour autant ni Satan et encore moins Lawrence ne désiraient en parler. Pour le premier, s’il le faisait, la jeune femme aurait bien des problèmes, et pour le deuxième, il était inutile de parler autour de quelque chose qui ne s’était pas réellement passé comme ça.

« Je vous en remercie mais cela ne sera pas nécessaire. Vous m’en voyez désolé d’avoir changé l’ambiance, ce n’était pas ce que je désirais. »

Le silence fut présent quelques secondes avant qu’elle ne se lève, fasse le tour de la table et se dirigea vers lui. Oh ? La proposition de danse était tout à fait bien choisie et l’ancien Roi s’étonna positivement que ce soit la dame qui demande. Non pas qu’il soit macho, les démons n’avaient pas ce genre de considération, mais dans le passé, chez les humains, il n’avait pas vu de femme demander à l’homme de danser et inviter si ouvertement. Le sourire aux lèvres, il se leva et prit sa main. Il était aussi désireux de danser.

« J’en serai ravi. Néanmoins, je ne suis pas là pour me changer les idées, mais pour faire de nouvelles rencontres. »

Une nuance qui pour lui, avait grande importance. Il n’était pas un dépressif qui tentait d’oublier tout cela, au contraire, il tentait, par la force de son esprit de reconstruire des souvenirs, de retrouver l’humanité et de se relever.

« Oh et je crains d’être un peu vieux-jeu, j’apprécie les danses traditionnelles. »

Satan, malgré son caractère, n’était pas du genre à danser comme sur les vidéos qu’il avait vues, sans ligne de conduite. Il préférait avoir un schème à respecter et prendre quelques libertés. Allant sur la piste de danse avec la demoiselle, avec une démarche toujours aussi élégante et posée.

« Puis-je mener la danse ? Je n’ai pas dansé depuis si longtemps… Enfin, prenez vos libertés, bien évidemment. »

C’était peut-être une tradition de laisser l’homme mener chez les humains, mais en étant détaché de ce genre de choses, Satan préférait préciser. Et cela le rendait plus poli, en plus, et il était attaché à la politesse, au moins démoniaque.

Le démon entrelaça ses doigts avec ceux de James et posa l’autre main respectueusement sur sa taille avant de tournoyer au rythme de la musique. Comme celle-ci était plutôt dynamique, ce n’était pas une valse ennuyante, même s’il espérait que la policière suive le rythme, il n’était pas un homme qui ne se préoccupait pas de sa cavalière, bien au contraire. Satan avait toujours été bon danseur et n’avait plus peur du public depuis longtemps. Son assurance était bien présente lorsqu’il était sur une piste de danse et dans sa mémoire se rejouaient les différentes fêtes auxquelles il avait participé… et auxquelles il avait dansé.

Cela avait toujours été un plaisir.

En général, les personnes avec qui il dansait savaient danser au moins un minimum. Mais de ce qu’il en avait compris, ce n’était plus vraiment dans les mœurs des humains d’apprendre à danser, le temps avait changé. Et c’était par la danse que ce démon tentait de reprendre un peu d’assurance et de contrôle sur ce qu’était devenu sa vie et la ville en même pas un siècle. Satan sourit un peu à ce surnom qui n’avait finalement, aucun sens mais qui se prêtait très bien à ce qu’il voulait montrer qu’il entama doucement la danse.

Satan, mais surtout Lawrence, était un partenaire qui ne pressait pas la personne et qui décalerait la danse s’il devait danser avec des débutants. Enfin, la vérité est qu’aux Enfers, les musiciens se basaient bien souvent sur son rythme quand il entrait sur scène.

« Avec plaisir, demoiselle. »

Sa langue avait faillis fourcher, il allait la nommer « jeune demoiselle », ce qui aurait été un peu bizarre étant donné qu’ils ne devaient pas avoir une très grande différence d’âge physiquement.

« Ce n’est pas grave si vous me marchez sur les pieds. »

Il avait dit cela avec un sourire avant de doucement les faire tourner, lentement en s’adaptant à son allure et à ses gestes, en faisant tout de même attention à ses propres pieds mais aussi à celles de sa partenaire. Après un petit temps, lorsqu’ils furent suffisamment habitués l’un à l’autre, Satan commença à réellement faire valser la Dame, tournoyant un peu, respectant de plus en plus le rythme de la musique. Il évitait tout de même les gestes traditionnels démoniques sinon il attirerait beaucoup trop l’attention… L’idée de faire une soirée démonique à l’ISMADD lui effleurait de plus en plus l’esprit… Inutile, peut-être même enfantin et égoïste, mais il en avait terriblement envie. Mais il trouverait certainement les mots pour le demander à Michael Lawson.

Un compliment le fit sortir de ses pensées alors qu’il recroisait les yeux de la rouquine. Il eut un simple rictus avant de répondre.

« Depuis que je suis en âge de marcher. Mais je n’avais pas pratiqué depuis longtemps. » 10 ans pour elle, 80 ans pour lui. « Et vous avez l’air d’être plutôt une bonne élève. »

Après une autre danse, Satan s’arrêta enfin, laissant prendre du repos à sa cavalière il allait se réinstaller à leur table et commanda une boisson acidulée, étant donné qu’il ne pouvait pas demander à ce qu’on mette du tabasco dans son thé ou dans quelconque autre breuvage.

« Je vous offre quelque chose ? »

Lawrence pouvait être un cliché. Un homme anglais nostalgique, bien habillé et avec un compte en banque bien fournis… Mais il n’était pas si éloigné que cela de Satan.

Il n’était pas très difficile de remarquer les talents de notre ancien Roi en danse et il était bien ravi que la jeune femme eût apprécié ce moment car cela avait été, bien évidemment, réciproque. La phrase qu’elle venait de dire sous-entendait une future rencontre. C’était plaisant à entendre et il espérait en effet la revoir, en tout bien tout honneur, pour passer un autre bon moment. Peut-être aurait-il du faire plus attention en raison de son métier mais il n’avait pas envie d’y penser. S’il n’avait pas été à l’ISMADD, alors jamais cela ne l’aurait inquiété. Et après tout, il était, sur le papier, un honnête citoyen expatrié, d’origine anglaise avec une belle fortune sur le dos. Sauf à se faire agresser devant elle, il n’avait rien à craindre.

« J’en serai ravi. »

Ils retournèrent ensuite à leur place et elle commanda du cidre. Il proposa aussi de lui offrir un verre mais elle n’avait pas l’air d’apprécier l’intention. Cela ne pu que lui étirer un petit sourire. C’est vrai que les humains avaient tendance à penser qu’il était naturel d’offrir des boissons aux femmes et de payer leurs repas, du moins, à l’époque ou il était encore Roi. Cela n’avait pas effleuré l’esprit du démon. A vrai dire il était surtout habitué à offrir parce qu’il était l’une des personnes les plus riches, mais aussi par pur et simple envie.

« Vous êtes la première personne à qui je propose d’offrir un verre depuis que je suis réveillé. »

Et ce n’était pas une phrase de dragueur, c’était juste la pure vérité. En même temps, il n’avait pas vraiment eu l’occasion de sortir de l’ISMADD avant… Ou il n’avait pas pris le courage pour sortir tout seul comme un grand avec un plan et un smartphone trop compliqué pour lui.

Une fois respectivement servis, Satan leva son verre vers elle, histoire de trinquer.

« A quoi souhaitez-vous trinquer ? »

Une habitude humaine qu’il appréciait. S’il avait été sérieux il aurait trinqué au rétablissement de l’ordre démoniaque et à sa fille mais… Ce n’était pas vraiment l’endroit.

Les femmes humaines indépendantes. Voilà quelque chose qu’il avait bien loupé tout de même. A son coma, les femmes n’avaient même pas encore le droit de vote et elles étaient reléguées à des tâches ingrates. Quelque chose qui n’existait pas au sein des enfers. Le monde humain avait terriblement changé depuis son coma, et cela pour le mieux, enfin, en partie. Au moins les femmes avaient les mêmes droits que les hommes. Enfin, sur le papier. Il existait toujours ce machisme latent mais on ne pouvait pas tout faire en 80 années. Le changement technologique, philosophique et géopolitique des humains était déjà impressionnant, alors que les Enfers étaient restés les mêmes. Enfin. Il devrait plutôt profiter du reste de la soirée plutôt que de penser à ce qu’il n’a pas pu faire…

« Comme vous le souhaitez. »

Elle trouva une raison pour trinquer. Une raison qui lui convenait tout à fait, encore plus qu’elle ne pouvait le penser.

« Cela me convient tout à fait. Au bonheur d’être vivant et bien portant. »

De but en blanc elle lui avouait soudainement apprécier la soirée. Et cela ne pouvait être que réciproque, un sourire s’afficha doucement sur les lèvres de notre faux britannique. Il avait déjà entendu beaucoup de compliments, que cela soit de la part de langues de vipères ou non, mais « bon gars » c’était bien la première fois alors cela lui tira un sourire.

« C’est tout à fait réciproque, je ne m’attendais pas à passer une soirée en aussi agréable compagnie mais c’est bel et bien chose faite. Et c’est avec grand plaisir de vous voir mener la prochaine danse. »

Satan avait déjà hâte de repasser un moment avec cette demoiselle. Même si ce n’était qu’une partie de la vérité, il avait pu s’ouvrir, en plus de cela, il avait pu danser et passer un moment bien loin des tracas du quotidien. Un moment qu’il voudrait avec grand plaisir, réitérer.

Lui aussi terminait son verre. Un silence s’installa. Il n’était pas dérangeant, néanmoins, il se sentait fixé par la demoiselle en face de lui. Il n’en était pas mal à l’aise.

« Je vais finir par rougir si vous continuez de me fixer ainsi. »

Ce n’était qu’une simple boutade, ni Satan ni Lawrence ne rougissait pour cela. Il rit un peu. Cela lui faisait du bien d’avoir des émotions si sincères, réelles et plutôt tranquilles.

Par curiosité il avait regardé sa montre. Oui, il n’était nullement habitué au téléphone portable pour regarder l’heure.

« Il se fait tard, je vais devoir rentrer. Je serai ravi de pouvoir vous revoir un autre jour. »

Le démon se leva et paya ce qu’il devait. Fort heureusement, James vint avec lui. Comme quoi il n’était pas le seul grand père à se coucher tôt.

Prenant son plan dans sa poche gribouillé à la main, Satan plissa les yeux. Les rues étaient noires de monde. L’heure à laquelle il allait se coucher était celle où se réveillait Las Vegas. Cela n’allait pas être évident de rentrer.

L’application GPS du téléphone ? Pardon ? Un mystère.

Satan était très satisfait de cette soirée. Elle avait été reposante, amusante et il avait pu retrouver quelques habitudes. Il sortait du bar avec la ferme intention de revenir et surtout de revoir la demoiselle James qui n’avait pas l’air indifférente à sa compagnie. Cela était bien évidemment réciproque. Alors qu’il y a plusieurs décennies il était attiré par les femmes douces et plutôt dociles, le caractère affirmé de la rousse était quelque chose qui donnait comme un vent de fraicheur aux personnes qu’ils côtoyaient habituellement. Peu de gens, voire, personne au sein de l’ISMADD ne se comportait ainsi avec lui.

Enfin, pour revoir la demoiselle il faudrait d’abord quitter le quartier et retrouver sa maison. Or, cela lui semblait difficile avec son plan à faire à l’envers et les noms des rues cachées par le monde et la nuit. Cela fut vite remarqué par la rouquine qui lui demandait s’il avait du mal à trouver son chemin.

« Vous êtes observatrice. En effet, j’ai un peu du mal à m’orienter je ne connais pas vraiment la ville. »

C’est alors qu’elle lui proposa tout naturellement de l’aider, bien qu’elle ait l’air préoccupée par le fait de le gêner. Pour autant, ce n’était pas le cas. Satan savait demander de l’aide pour les choses qu’il ne savait pas faire. Il ne pouvait pas savoir tout faire, c’était une évidence même. D’autant que cela lui permettrait de finir la soirée par une petite balade en bonne compagnie. Elle lui proposa même la moto. Haa, il aurait bien dit oui, réellement mais l’endroit était un peu trop proche et il préférait garder cet instant pour une autre fois.

« Je vous remercie pour votre proposition, je l’accepte avec plaisir. Ce n’est pas très loin, mais je serai ravi de pouvoir faire un tour à moto en votre compagnie un autre jour. »

L’expérience qu’il avait vécue avec Staz – qui roulait comme un fifou- avait été très plaisante. Il doutait cependant qu’un agent du FBI ne roule à pareille allure en ville. Le démon lui indiqua l’adresse -il la connaissait, heureusement-, de sa grande demeure avant de s’y faire accompagner. Après quelques minutes de marche ils arrivèrent devant le portail. Durant le trajet Satan fut bien curieux de tout ce qu’il commençait à se passer en ville la nuit et son regard ne quitta pas les alentours même s’il faisait des sourires à la jeune femme il était comme un enfant curieux, il n’était encore jamais sorti la nuit.

« Je vous remercie de m’avoir raccompagné. » Le Roi sortit son petit carnet et un stylo et demanda à la Dame « Est-ce que vous accepteriez de me donner votre numéro pour que nous recommencions ce genre de soirée ? » Satan n’espérait pas essuyer un refus. C’était en tout honneur qu’il avait fait cette proposition. Il aurait pu aussi sortir le portable de sa poche mais il était bien plus à l’aise avec une feuille et un stylo.